Le quatrième et dernier film en date de Wes Anderson a l’originalité de se dérouler en Inde, à bord du train nommé « Darjeeling Limited ». Certains diront que cette Inde n’est que fantasme d’Occidental : je réponds oui, sans problème, surtout que le cinéma du sieur Anderson n’est absolument pas fait pour réfléchir une quelconque réalité. Alors laissons-nous embarquer par les couleurs, les senteurs, les temples de ce grand pays, sans y chercher un quelconque discours sociologique…
On retrouve trois frères qui ne sont pas vus depuis la mort de leur papa et qui vont essayer de se retrouver à bord de ce train qui traverse l’Inde. Nos trois « héros » sont joués par les habitués d’Anderson, Owen Wilson et Jason Schwartzman (déjà vus dans The Royal Tenenbaums pour le premier, et Rushmore pour le second), et un nouveau venu dans la bande : Adrien Brody. Ce dernier livre par ailleurs une prestation assez extraordinaire, pour qui ne se souvenait de lui que dans le film oscarisé de Polanski, the Pianist. Il semble réellement aussi à l’aise dans cette comédie que dans les drames, capable même de donner à sa physionomie entière un aspect comique (ah, ces gros plans sur son visage tout ébahi… !). Les autres acteurs ne sont pas des surprises : on retrouve Bill Murray, dans un rôle qui est métaphoriquement celui du père des trois garçons (difficile de les appeler des hommes après avoir vu le film…), et Anjelica Huston qui joue la mère, la vraie, enfermée dans son couvent indien.
Disons-le tout net : le film tient avant tout par cette Inde qu’on nous donne à voir, à entendre, voire à sentir (les images appellent d’autres sens, l’odorat notamment, avec les marchés d’épices…) Je le disais plus haut, ici il n’est pas question d’un quelconque réalisme. Anderson fait de la comédie, dans un décor coloré et délicieusement exotique, et c’est la seule chose qui compte. On en prend plein les yeux, plein les oreilles ; on se retrouve, comme les personnages du film, assez déboussolé par ce qu’on découvre, et en même temps totalement charmé. C’est sans doute l’Inde du touriste occidental que l’on nous sert : cela n’est pas un problème, puisqu’il s’agit de représenter les relations existantes entre différents membres de la même famille (comme dans les deux premiers films d’Anderson : ses obsessions restent les mêmes !), tout cela sur un ton décalé, burlesque parfois.
Et ses relations, on peut arguer qu’elles sont compliquées. Compliquées comme dans la majorité des familles, sans doute. Le deuil du père a séparé les trois frères : comment garder sa place au sein de la famille, garder son individualité, quand on vient de perdre ses repères ? Et qu’on essaie, aussi, de ne plus faire partie d’un moule - la famille pouvant être vue comme aliénante. C’est ce qu’exprime très intelligemment le personnage d’Adrien Brody, Peter, qui refuse que son frère Francis (Owen Wilson, la tête empaquetée de bandages, suite à un accident) commande pour lui au restaurant. Pourtant Francis connaît les goûts de Peter sur le bout des doigts… C’est cette sincérité, cette vérité des relations familiales qui touchent dans Darjeeling Limited : cette manière de vouloir à tout prix se détacher de la famille et de ce qui nous empêche de nous épanouir en tant qu’individu à part entière, alors qu’on sait très bien que l’on ne peut être complètement soi-même qu’au contact des gens qui nous connaissent le plus. Et qui sont, forcément, de notre famille.
Evidemment, le voyage des trois frères va finir par dérailler, et suite à une hilarante scène de gazage fraternel, ils se retrouvent dans le désert, leurs bagages aux initiales de papa à leur suite. Peter continue à porter les lunettes de vue du père, ce qui agace Francis : il y a, même après la mort, cette rivalité entre frères. Est-ce que le père aimait plus tel fils qu’un autre ? Querelles ridicules, qui donnent au film ses scènes les plus drôles, et qui prouvent que même à 30 ans, on peut être resté un enfant.
Le clou du voyage sera la visite à la mère. Majestueuse Anjelica Huston, qui n’apparaît que très peu dans ce film, pour donner une vraie leçon de vie à ses garçons : life goes on, la vie continue ! Anderson renverse une fois de plus les rôles : alors qu’on attendait de la mère qu’elle soit celle à vivre dans le souvenir, voire dans la folie suite à la douleur de la mort de l’époux, c’est au contraire elle qui apparaît la plus sereine et qui doit apprendre aux fils, donc à la génération suivante, comment réussir à faire face, comment continuer sa vie.
Notons également que ce joli film se dote d’un court-métrage, diffusé avant le long, qui nous donne à voir Jack (interprété par Jason Schwartzman) dans une chambre d’hôtel parisienne. Il y retrouve son amante, interprétée par la sublime Nathalie Portman, qui vient le retrouver, boire un bloody mary, et faire l’amour avec lui. Le tout sous fond de musique old school, j’ai nommé Peter Sarstedt et son Where do you go to my lovely. Un délicieux OVNI, touchant, et qui apporte quelques clefs pour la compréhension du film.
Pour résumer, il serait difficile d’expliquer ce qui plaît, ou peut déplaire, dans ce film. Tout y est décalé, amusant, irritant peut-être pour certains. Le cinéma d’Anderson agace ou émerveille : pour ma part, je suis une fervente convaincue à la cause de Steve Zissou et de ses confrères, de leurs univers colorés et décalés, de leur incapacité à grandir et à être des adultes, de leur amour profond pour leurs proches. Et si la vie devait être du cinéma, j’aimerais vraiment bien vivre dans un film de Wes Anderson.
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jeudi 24 juillet 2008
The Darjeeling Limited, Wes Anderson, 2007
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4 commentaires:
Avec le Darjeeling, c'est sont 4eme film.
1999: Rushmore,
2004: The Life Aquatic with Steve Zissou
2001: The Royal Tenenbaums
Au temps pour moi, j'ignorais qu'il avait tourné RUSHMORE.
heu....Jason Schwartzman il a surtout joué dans Rushmore...je dirais même plus qu'il a le rôle principal...par contre je ne le calcul absolumment plus dans the royal tenembaums (je crois même qu'il n'a aucun rôle...)
Bref...à rectifier.
J'ai confondu avec Luke Wilson. Décidément...
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